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ADAJ AVOCATS

Charles Fontaine – Romain Floutier

SCP d’Avocats au Barreau de Nîmes

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 10 décembre 2015

 Le Cabinet obtient de la Cour d’Appel de Nîmes la libération totale de l’engagement de caution du débiteur, motif pris que dès lors que le cautionnement est effectivement manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution, lors de sa conclusion, il appartient au créancier professionnel, qui entend se prévaloir de ce cautionnement, d'établir qu'au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

Extrait de l’Arrêt :

« S'il est exact que le dirigeant emprunteur ou caution dispose en principe de toutes les informations lui permettant d'apprécier le risque de l'opération financée ou garantie, la qualité de dirigeant ne confère pas ipso facto la qualité de caution avertie, ni d'emprunteur averti. Il convient en effet de prendre en compte les capacités intellectuelles, l'expérience professionnelle et la complexité de l'opération, afin d'apprécier la capacité de l'emprunteur, ou de la caution à mesurer les conséquences de son engagement...

…au jour de la souscription des engagements, XXX n'avait aucune connaissance particulière en matière comptable et financière, n'avait aucune connaissance du monde des affaires et un niveau de connaissances générales moyen voire limité, en l'absence de toute formation diplômante. XXX avait certes des connaissances professionnelles en matière de forage et de géothermie, ce qui lui a permis, effectivement, de bénéficier d'un agrément du bureau de recherche géologiques et minières(BRGM), ses qualités professionnelles dans un domaine technique spécifique, ne peuvent cependant, à elles seules, lui conférer la capacité à appréhender dans tous leurs aspects les différentes opérations, eu égard à la spécificité, voire la complexité, du crédit-bail à usage professionnel, avec cautionnement et intervention de l'organisme WWW. Il s'ensuit que la qualité de profane de XXX doit être retenue.

Sur la nullité de l'acte de caution pour le contrat de crédit-bail n° S0068615

XXX se prévalant d'une irrégularité dans la rédaction de la mention manuscrite apposée sur l'acte de cautionnement demande à la cour, au visa des dispositions des articles L341-2 et L341-3 du code de la consommation de prononcer la nullité de son engagement.

La Snc YYY réfute cette argumentation et soutient que la nullité ne saurait être encourue, s'agissant d'omissions purement matérielles qui n'ont aucune conséquence sur la portée de l'engagement de la caution.

Aux termes de l'article L 341-2 du code de la consommation, issu de la loi du 1er août 2003 et applicable aux cautionnements consentis à compter du 5 février 2004, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « en me portant caution de X, dans la limite de la somme de..., couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités et intérêts de retard, et pour la durée de..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens, si X n'y satisfait pas lui-même ». L'irrégularité de la mention manuscrite entraîne la nullité de l'acte de caution lui-même.

L'article L341-3 du même code, applicable dans les mêmes conditions, ajoute que, lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : «en renonçant au bénéfice de discussion défini à 1' article 2298 du Code civil, et en m' obligeant solidairement avec X, je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X».

En l'espèce, il est exact que la mention manuscrite rédigée par XXX n'a pas été exactement et correctement reproduite, et n'est pas conforme à la formule exigée par l'article L341-2 du code de la consommation. XXX a en effet apposé la mention manuscrite suivante : « en me portant caution de la Sarl WWW dans la limite de 57 600,30 euros couvrant le paiement du principal des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard et pour une durée de 7 ans, je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues et mes biens la Sarl WWW n'y satisfait pas lui-même» suivie de la formule de l'article L341 - 3, de la mention « fait à Alès le 26 novembre 2009 » et de la signature.

XXX fait justement valoir que la nullité d'un engagement de caution souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel est encourue du seul fait que la mention manuscrite portée sur l'engagement de caution n'est pas identique aux mentions prescrites par les articles L.341-2 et L.341-3 du code de la consommation, à l'exception de l'hypothèse où ce défaut d'identité résulterait d'erreur matérielle.

S'il est exact que la seule omission des termes «mes revenus», pourrait être considérée comme une simple erreur matérielle qui n'aurait pour conséquence que de limiter le gage de la banque aux biens de la caution et n'affecterait pas la validité du cautionnement, la société YYY ne peut valablement prétendre en l'espèce, que l'irrégularité de la mention apposée par XXX n'a aucune conséquence et n'enlève rien au sens de l'engagement de la caution, surtout pour une caution avertie.

En effet, l'omission de toute ponctuation et des termes «sur mes revenus» et «si» combinée aux fautes d'orthographe, rendent incompréhensible le dernier membre de phrase de la formule légale, et créent de la confusion, en supprimant tout caractère conditionnel à l'énoncé, et en ne permettant plus d'expliciter ce qu'implique le cautionnement, ce qui affecte le sens et la portée de la mention, et altère considérablement la compréhension par la caution du sens et de la portée de son engagement.

Le formalisme exigé par la loi ayant pour finalité d'assurer la parfaite compréhension de la caution, il y a lieu de prononcer la nullité de l'engagement, la Snc YYY ne pouvant utilement se prévaloir de la régularité de l'autre acte pour soutenir que XXX était parfaitement informé.

Enfin, bien que ce caractère soit indifférent pour apprécier la validité de la mention manuscrite exigée par la loi, il y a lieu de rappeler à titre superfétatoire que XXX ne peut être considéré comme une caution avertie.

La décision doit être infirmée, la Snc YYY étant déboutée de toutes ses demandes en ce qui concerne ce cautionnement.

Sur le caractère disproportionné des engagements

XXX se prévaut, au visa de l'article L341-4 du code de la consommation, du caractère disproportionné de ses engagements, au regard de ses revenus, son patrimoine et son endettement, au jour de la souscription de ces différents engagements. Il fait valoir que la Snc YYY ne justifie pas s'être informée de sa situation financière, et n'a effectué aucune vérification sur sa solvabilité réelle.

La Snc YYY fait valoir que d'après les renseignements recueillis par la BNP et qui lui ont été transmis, la situation de XXX permettait de faire face à ses engagements, compte tenu de ces ressources et de son patrimoine.

Aux termes des dispositions de l'article L341-4 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Eu égard à l'argumentation respective des parties, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, les principes dégagés par la jurisprudence pour l'application de ces dispositions :

4      L'article L341-4 du code de la consommation n'opère, aucune distinction entre caution avertie et caution profane, de sorte que le caractère de caution profane ou de dirigeant averti est indifférent pour son application.

4      Il est exact comme le soutient YYY que la charge de la preuve pèse sur la caution qui invoque le caractère disproportionné de son engagement.

4      Dès lors que le cautionnement est effectivement manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution, lors de sa conclusion, il appartient au créancier professionnel, qui entend se prévaloir de ce cautionnement, d'établir qu'au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

4      La disproportion du cautionnement doit être évaluée lors de la conclusion du contrat, au regard du montant de l'engagement, et en fonction de tous les éléments du patrimoine de la caution, comme de toutes ses dettes et obligations, et doit être appréciée en prenant en considération l'endettement global, y compris celui résultant d'autres engagements de caution.

4      La proportionnalité de l'engagement de caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l'opération garantie.

4      Le créancier a le devoir de s'enquérir de la situation patrimoniale de la caution, mais est en droit de se fier aux informations qui lui sont fournies, et n'est pas tenu de les vérifier, en l'absence d'anomalie apparente.

L'appelant fait justement valoir que la fiche dont se prévaut la Snc YYY a été établie et remise à la Banque pour un autre dossier le 4 août 2009, avant la création de la société, et n'est pas contemporaine des engagements de caution. Il apparaît donc que YYY qui avait le devoir de s'enquérir de la situation patrimoniale de la caution, n'a sollicité aucun élément particulier pour s'assurer de la solvabilité de XXX en novembre 2009, alors que la situation de celui-ci s'est modifiée suite à la création de la société et aux différents engagements souscrits à ce titre (...)

En ce qui concerne son patrimoine, (…) Il s'ensuit, et contrairement à ce qui est soutenu par l'intimée, que XXX ne disposait pas au jour de ses engagements d'un patrimoine conséquent, l'immeuble étant grevé d'une hypothèque pour plus de la moitié de sa valeur, lui permettant de faire face à l'intégralité de ses engagements, d'une valeur globale supérieure à 240 000€.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que compte tenu de la modicité des ressources de XXX, constituées des seules pensions de retraite, les revenus escomptés de l'activité nouvelle ne pouvant être pris en compte, et de la valeur modeste du patrimoine de celui-ci, les deux engagements de caution contractés le même jour pour plus de 140 000 €, était manifestement disproportionnés à ses biens et revenus, eu égard à son endettement qui était déjà conséquent(…).

(…) Le caractère disproportionné de l'engagement doit être retenu.

Aux termes de l'article L341-4 du code de la consommation, la sanction du caractère manifestement proportionné de l'engagement de la caution est l'impossibilité pour le créancier professionnel de se prévaloir de cet engagement, les autres prétentions et demandes subsidiaires de l'appelant deviennent donc sans objet. Ainsi, et sans qu'il y ait lieu d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, ni d'examiner les autres moyens, il y a lieu de réformer le jugement déféré en l'ensemble de ses dispositions, et de débouter la société YYY de toutes ses demandes à l'encontre de XXX.